Paryaj Pam : Entre espoir et pratique suicidaire en Haïti Par Boomba Libertaire, Médecin de la Culture Téléphone : +509 4329 1771

 Paryaj Pam : Entre espoir et pratique suicidaire en Haïti


Par Boomba Libertaire, Médecin de la Culture

Téléphone : +509 4329 1771


Il n’est plus un secret qu’à côté des borlettes omniprésentes dans tous les recoins du pays, considérées comme une source de revenu unique pour de nombreux jeunes, il existe désormais « Paryaj Pam ». Cette entreprise de jeu de hasard, qui s’est imposée depuis quelque temps dans les zones métropolitaines, a pratiquement conquis l’attention de la jeunesse haïtienne. Pour rappel, « Paryaj Pam » consiste à tirer au sort les équipes gagnantes, lesquelles correspondent à des lots. Ce jeu, en apparence anodin, neutralise à certains égards le fanatisme sportif, les pratiquants préférant miser sur les cotes les plus rentables, les joueurs performants ou les équipes jugées favorites.


Une omniprésence inquiétante

Présent dans presque toutes les villes du pays, « Paryaj Pam » s’identifie par un décor standardisé : une maisonnette équipée d’une télévision diffusant différents matchs (football, basketball, tennis, volleyball, hockey sur glace, handball, etc.), un ventilateur, des prises électriques pour permettre aux clients de recharger leurs smartphones, un espace dédié à la recharge des comptes et un autre pour la réalisation des fiches de pari.

Chaque jour, des foules de jeunes s’entassent dans ces annexes. Certains, absorbés par l’écran de leur téléphone, suivent les rencontres sur lesquelles ils ont parié ou placent rapidement de nouveaux paris après avoir approvisionné leur compte. D’autres se bousculent devant les caisses pour soumettre leurs fiches.


Une jeunesse dévorée par le pari


« Paryaj Pam » est devenu le cœur des discussions entre jeunes. Plus rien ne semble les intéresser : ni l’école, ni l’université. À longueur de journée, ils se lamentent : « Monchè, yon sèl ekip ki boule m wi » (Mon cher, une seule équipe m’a fait perdre), tout en persévérant avec l’espoir qu’un jour, la chance leur sourira.

Jules Calin, l’un des nombreux pratiquants, partage son point de vue :

> « On sait que les chances de gagner sont minimes, surtout pour nous qui n’avons pas les moyens de miser gros sur une seule équipe. Nous sommes obligés d’en choisir plusieurs, ce qui rend la tâche encore plus difficile, car si une seule perd, tout est perdu. Mais avons-nous vraiment le choix ? La situation socioéconomique du pays nous pousse à tenter notre chance. »

Pour Wendy Claymon, la situation génère frustration et colère :

> « Paryaj Pam est une arnaque ! Seuls des voleurs et des éhontés devraient le jouer », martèle-t-il. Pourtant, il avoue être incapable d’arrêter, comparant ce jeu à une drogue.


Un impact social et psychologique profond

Rodlin, étudiant Agronomie, considère ce phénomène comme un fléau :

> « Jusqu’à présent, aucun autre jeu n’a impacté la jeunesse haïtienne avec une telle intensité. Ce jeu est chronophage et affecte gravement la scolarité. Après une défaite, on est psychologiquement et moralement abattu. »

Cependant, certains soulignent des aspects positifs. Jean Louis Buthelo, Licencié à l’Universite Publique du pays note :

> « Paryaj Pam favorise une forme de fraternité et réduit les inégalités sociales, car tout le monde s’y engage sans distinction. »

Une réponse nécessaire des autorités

La majorité des joueurs ne s’adonnent pas à ce jeu par passion, mais par désespoir, espérant une amélioration de leur situation. Pourtant, malgré leurs efforts, ils restent précaires. Face à cette dérive, les autorités doivent agir. Ne serait-il pas pertinent de limiter les effets nocifs des jeux de hasard tout en promouvant des politiques d’intégration des jeunes dans le marché du travail ?

Loin d’interdire ces pratiques, il s’agit de les encadrer pour protéger les plus vulnérables. Car, comme le dit l’adage, « l’excès en tout nuit toujours ».


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