Terrier-Rouge, août 1915 – Le soulèvement du Colonel Étienne : un cri de liberté contre l'envahisseur by Boomba Libertaire 🇭🇹

 

Terrier-Rouge, août 1915 – Le soulèvement du Colonel Étienne : un cri de liberté contre l'envahisseur by Boomba Libertaire 🇭🇹

En cette année funeste de 1915, où les bottes étrangères foulent le sol sacré de Dessalines, un nom s'élève dans les mornes et les plaines du Nord-Est haïtien, gravé dans la mémoire des hommes libres : le colonel Étienne de Terrier-Rouge. Ce soldat rustique, issu du peuple, formé dans l'école rude de la terre et du sang, s’est dressé avec fierté contre l’occupation militaire américaine qui, depuis le débarquement du 28 juillet à Port-au-Prince, cherche à asservir l’âme de notre nation.

Terrier-Rouge, petite commune paisible jusqu’alors, devint le théâtre d’un acte de bravoure digne des plus grandes pages de notre histoire. Étienne, vétéran des batailles civiles du début du siècle, homme au regard de feu et au cœur de granit, ne pouvait accepter l’humiliation de voir la patrie livrée aux mains étrangères. Dans la nuit du 12 août 1915, alors que les soldats américains renforçaient leur position dans le Nord, il rassembla une troupe d’hommes déterminés : anciens soldats, paysans, chasseurs, quelques jeunes idéalistes, tous unis par la soif de liberté.

Ils prirent d’assaut une garnison improvisée par les marines non loin de Savane Carrée, dans les hauteurs qui bordent Terrier-Rouge. Sous le couvert de la nuit et armés de fusils à silex, de machettes, et de courage, ils infligèrent une perte sévère à l’ennemi. Plusieurs soldats américains furent abattus. Le colonel Étienne, selon les témoins, tua de ses propres mains deux marines, les arrachant de leurs chevaux avec une agilité féroce, digne des héros de la guerre de l’indépendance.

Ce coup de feu résonna dans tout le Nord comme un appel au soulèvement. Le peuple, jusqu’alors hésitant, retrouva le souffle de la révolte. Mais cette attaque n’échappa pas à la riposte brutale des envahisseurs. Le 15 août, des renforts venus du Cap-Haïtien encerclèrent les collines de Terrier-Rouge. Étienne et ses hommes résistèrent trois jours durant, tenant leur position malgré les tirs d’artillerie et l’aviation naissante qui semait la mort depuis le ciel.

Trahi par un ancien allié en quête de récompense, le colonel fut capturé le 18 août au petit matin. Refusant de se rendre vivant, il tenta une dernière charge désespérée contre les lignes ennemies. Blessé, ensanglanté, mais debout, il mourut les bras levés vers le ciel, criant : « Haïti libre ou la mort ! »

Les Américains, surpris par sa bravoure, lui accordèrent une sépulture militaire, sans drapeau, mais sous le regard du peuple qui voyait en lui une incarnation du général Capois La Mort. À Terrier-Rouge, son nom est murmuré dans les veillées, ses gestes imités par les enfants jouant à la guerre. Il est devenu symbole d’une lutte plus grande : celle de tout un peuple contre l’injustice, contre l’ingérence, pour sa souveraineté.

Aujourd’hui encore, les mornes de Terrier-Rouge conservent l’écho des balles et des cris, mais aussi la mémoire d’un homme qui refusa de plier le genou. Colonel Étienne, fils du Nord-Est, tu vis dans la mémoire d’Haïti comme l’un des premiers insurgés de l’occupation de 1915.

1. Léonard O. Jeune – L'Occupation américaine d'Haïti (Port-au-Prince, 1934)

Cet ouvrage présente un regard critique sur l'occupation et les différentes formes de résistance.

2. Roger Gaillard – Charlemagne Péralte, le Caco de la Résistance (1973)

Gaillard retrace la vie du plus célèbre résistant haïtien à l’occupation, chef des Cacos.

3. Michel-Rolph Trouillot – Haiti: State Against Nation (1990)

Une analyse plus sociologique et politique, qui inclut les effets de l’occupation américaine.

4. Jean Price-Mars – La République d'Haïti et les États-Unis (1953)

Un regard diplomatique et critique sur les relations entre les deux pays durant l’occupation

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